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Fuite des capitaux : Comment la Côte d’Ivoire veut contenir l’évasion des recettes d’exportations (Enquête)

Publié le : 29 juillet 2024 par Elvis GOUZA

Face au faible niveau de récupération des recettes d’exportation, notamment de 74% en 2020, l’Etat ivoirien a, parallèlement aux actions de sensibilisation, pris de nouveaux textes en complément de ceux existant en vue de faciliter l’application des dispositions communautaires. Comment-il réussir le rapatriement des recettes d’exportation pour assurer sa croissance économique ? Enquête !

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Par recette d’exportation, il faut entendre les sommes d’argent perçues sur les opérations concernant la sortie des marchandises du territoire national. La taxe douanière pour cette opération est imposée sur la valeur FOB (Free On Board). Les pays membres de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) dont la Côte d’Ivoire fait partie, ont fixé à 80% le taux obligatoire de rapatriement des recettes d’exportations.

Le rapatriement des recettes d’exportation, une clause obligatoire

Serge Kouamelan, Directeur Exécutif de l’Association Professionnelle Des Banques et Établissements Financiers (APBEF-CI) rappelle que les exportations sont évaluées par les services des douanes à leur sortie du territoire national, leur prix n’intègre donc pas les dépenses de transport et d’assurance puisque le prix est évalué au moment du chargement sur un moyen de transport. Le taux de rapatriement effectif des recettes d’exportation de la Côte d’Ivoire, est passé de 9,06% en 2013 à 74% en 2020, puis à 76,4% en 2023. Malgré cette croissance, le taux demeure toujours en dessous des 80 % recommandés par la BCEAO.

Depuis le 1er juillet 2021, la déclaration en ligne obligatoire pour le rapatriement des recettes d’exportation est entrée dans sa phase active

Le processus allant du passage de l’ordre à la banque au règlement, il se trouve que des capitaux ne reviennent plus en Côte d’Ivoire. Pour corriger cet état de fait, depuis le 1er juillet 2021, la déclaration en ligne obligatoire pour le rapatriement des recettes d’exportation est entrée dans sa phase active. Cette disposition s’applique à tous les établissements bancaires de même qu’aux exportateurs, transitaires et aux commissaires agréés en douanes exerçant sur le territoire national.

Source : Trésor Public de Côte d'Ivoire

Au regard de cette disposition, tous les rapatriements des recettes d’exportation sont, désormais, déclarés via la plateforme du Guichet Unique du Commerce Extérieur (Guce Pme). De manière pratique, les textes du rapatriement des recettes d’exportation, les exportateurs ont l’obligation de domicilier leurs dossiers auprès des intermédiaires agréés, d’encaisser et de rapatrier l’intégralité (100%) du produit de leurs ventes extérieures en Côte d’Ivoire, via les banques domiciliataires.

Préservation des réserves de change

L’ancien administrateur de programme au Programme d’accès au Financement et à l’Investissement (AFI) au Centre de Commerce International (ITC), Ouattara Yaya, aujourd’hui Directeur Général du Guichet Unique de Développement des Entreprises de Côte d’Ivoire, (Gude-Pme), a apporté d’importantes précisions. Il a confié que l’ensemble des textes pris par les autorités nationales en plus des textes communautaires et nationaux déjà existants vise à donner plus de moyens d’actions auxdites autorités afin de contrôler et s’assurer du respect par tous les acteurs de leurs obligations en matière de rapatriement des recettes d’exportation.

La préservation des réserves de change de l’Union et la nécessité de préserver le dynamisme du secteur privé national, moteur de la croissance

« Toutefois, la mise en œuvre des mesures éventuelles prévues par ces textes se fera dans un cadre concerté offrant toutes les garanties nécessaires aux structures concernées et dans un contexte de prise en compte des difficultés rencontrées dans l’application des dispositions prévues. En tout état de cause, les autorités de supervision sauront assurer la conciliation nécessaire entre la préservation des réserves de change de l’Union et la nécessité de préserver le dynamisme du secteur privé national, moteur de la croissance » a affirmé Ouattara Yaya.

Opérationnel depuis juillet 2013, le Guichet Unique du Commerce Extérieur est une plateforme permettant aux opérateurs économiques qui participent au commerce et au transport de communiquer des informations et documents normalisés à un seul point d’entrée afin de satisfaire à toutes les formalités requises en cas d’importation, d’exportation et de transit.

Un système digitalisé

L’un des principaux objectifs de ce guichet « virtuel » est d’éviter le déplacement de l’Opérateur Économique lors de l’accomplissement des formalités liées au commerce et de réduire les différents délais et coûts. En plus de la plateforme transactionnelle (GUCE), GUCE CI dispose d’une plateforme informationnelle dénommée Portail Web d’Informations Commerciales (PWIC) et d’un portail institutionnel pour une meilleure coordination des activités liées au commerce extérieur.

Il existe également le GUCE Mobile vise à fournir à l’opérateur un accès en temps réel, à tout moment, toutes les informations sur ses diverses procédures ou transactions sur la plateforme du GUCE. GUCE MOBILE est disponible pour les périphériques mobiles Android et IOS (téléphone portable, tablette, etc...) et destinée à l’usage de toute personne disposant d’un compte GUCE. Elle permet à tout utilisateur, selon son profil et sous réserve d’avoir les habilitations nécessaires, d’accéder aux modules de la plateforme GUCE.

Source du document : GUCE PME

Il faut savoir qu’avant la création Guce Pme, l’Etat ivoirien avait déjà pris des dispositions légales telles que la Loi n°2014-134 du 24 mars 2014 relative au contentieux des infractions à la règlementation des relations financières extérieures des États membres de l’UEMOA ; l’Arrêté 103/MEMEF/DGCPT du 26 juin 2000 fixant les modalités de contrôle des relations financières avec l’étranger ; l’Avis n°002-06-2015 du 01 juin 2015 relatif aux modalités de traitement des préfinancements des ventes extérieures ; l’Avis n° 04501/MEF/DGTCP/DECFINEX/SDFINEX/zva du 01 août 2017 relatif à la domiciliation des dossiers d’exportation en dehors de la zone UEMOA.

Des campagnes de sensibilisation des acteurs, une solution ?

Le directeur général du trésor et de la comptabilité publique Arthur Augustin Pascal Ahoussi, par ailleurs président du comité national des services de recouvrement des recettes d’exportations (CNSRRE) et son équipe organisent périodiquement des campagnes de sensibilisation pour impliquer davantage les différents acteurs.  

« Les campagnes de sensibilisation que nous organisons ont pour objectif majeur d’informer et de sensibiliser les différents acteurs sur l’ensemble des textes qui encadrent le rapatriement des recettes d’exportation en Côte d’Ivoire, avec en ligne de mire, l’appropriation desdits textes et leur application effective, en vue du rehaussement du taux de rapatriement effectif des recettes d’exportation » a-t-il expliqué au cours d’une de ces campagnes en début du mois d’octobre.

La douane à pied d’œuvre

L’administration douanière, l’une des principales structures de recouvrement, entend jouer sa partition dans la vulgarisation des mécanismes de rapatriement des recettes d’exportations. C’est dans cette optique que le Général Pierre Da, directeur général des Douanes a instruit son administration à s’impliquer dans cette démarche de l’État de Côte d’Ivoire.

« Les exportateurs de marchandises à destination de l'étranger, hors de la zone UEMOA, doivent déclarer les rapatriements de recettes d'exportation dans le module e-forex du GUCE, dans un délai de dix (10) jours à compter de la date de réception des fonds ; les banques, intermédiaires agréés, doivent confirmer les rapatriements des recettes d'exportation dans le module e-forex du GUCE, dans un délai de dix (10) jours à compter de la date des déclarations effectuées par les exportateurs. J'attache du prix au strict respect des dispositions de la présente … » mentionne une note signée le 24 juillet 2024 par le directeur général des Douanes.

En somme, la Côte d'Ivoire, pays phare de l'espace UEMOA, se donne les moyens d'atteindre 100% des rapatriements des recettes d'exportations.


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Article rédigé par

Elvis GOUZA

Journaliste Reporter

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