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20 000 autres combattants en colère : Tout sur leurs revendications
Publié le : 10 décembre 2014 par Ladji Abou Sanogo

Des combattants ne sont pas contents... (Photo d'archives pour illustrer l'article)
Après la grogne des 8400 soldats recrutés selon l’Accord politique de Ouagadougou (Apo) et les 476 ex-Fds (Forces de défense et de sécurité sous Laurent Gbagbo), le mardi 18 novembre 2014, qui réclamaient des arriérés de solde, de baux et de promotion en grade, une nouvelle grève, au sein de la grande muette, pourrait avoir lieu, si rien n'est fait.
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Selon une source bien introduite auprès des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci), cette grève, de deux ordres, couve sous la cendre. Pour en savoir davantage, nous avons mené des investigations. L’homme qui nous reçoit, ce vendredi 5 décembre 2014, loin de son bureau, perché au premier niveau de « l’État-major » du 3ème bataillon d’infanterie militaire de Bouaké est très anxieux. Il a la mine grave et le regard plongé dans le vide. Habillé d’un tee-shirt de couleur verte et d’un pantalon treillis, il porte un képi et des lunettes de soleil. « Je suis nostalgique des années 1980. A l’époque où notre armée était très disciplinée, les soldats ne manquaient pas de respect aux supérieurs. S’il est vrai que ce respect demeure toujours, il est bon de reconnaître tout de même que c’est à un degré moindre. Je suis peiné quand je vois des soldats manquer de respect à leurs chefs supérieurs. Même le chef d’Etat major général n’est pas épargné. A ce rythme, je vous assure que ce sera la catastrophe. Il faut que la discipline et l’ordre hiérarchique soient rétablis, de gré ou de force au sein de notre armée. Je suis vraiment peiné », déplore notre informateur, avant d’aborder le sujet pour lequel nous nous sommes rencontrés.
De la mutinerie des 84 000 soldats, en passant par les réclamations des 476 ex-Fds et le problème des grades, rien n’est oublié. Il est bon de préciser qu’avant cette rencontre, nous avons eu les mêmes informations. Selon notre informateur, après que les soldats ont reçu leur premier versement (le reste sera payé sur 5 mois), comme promis par le chef suprême des armées, le président de la République, Alassane Ouattara, certains soldats sont très souvent pointés aux abonnés absents dans les camps. A en croire donc ce capitaine, s’il est vrai qu’il y a eu des recalés lors des paiements, il est bon de souligner que tous ces dossiers sont en voie de traitement. « Au niveau des 476 ex-Fds, il y eu effectivement des recalés. Mais le dossier est en bonne voie. Même ceux qui sont morts, tout le monde percevra son argent. Mais là n’est pas le problème. Le vrai problème aujourd’hui, c’est au niveau des recru lors de l’offensive sur Abidjan », fait-il savoir.
Le cas des 20 000 soldats
Selon notre interlocuteur, avant leur offensive sur Abidjan pour faire partir Laurent Gbagbo du pouvoir en 2011, après les élections présidentielles, les Forces armées des Forces nouvelles (Fafn) ont recruté un bon nombre d’éléments que l’ex-Pnrrci (Programme national de réinsertion et de réhabilitation communautaire) avait pourtant déjà démobilisés. A eux, plusieurs autres jeunes volontaires s’étaient ralliés à cette cause sans compter ceux qui ont également été recrutés sur place à Abidjan. Un bon nombre de soldats à gérer. « Donc après l’offensive, tous ces éléments, exactement au nombre de 20 000 soldats sont restés dans les différents camps. Nombreux sont ceux d’entre eux qui sont à nos différentes frontières. Ils n’ont ni numéro matricule, ni numéro mécano. Ils n’ont donc pas de salaire. Leur salaire, c’est sur le terrain qu’ils le prennent eux-mêmes. Depuis le Debut, je savais que c’était une bombe à retardement. Personne n’y a songé. On me fait dire que c’est le général de corps d’armée Soumaïla Bakayoko, chef d’état major général, qui les a recrutés. Mais pourquoi vouloir toujours rejeter toutes les fautes sur le pauvre général. Il doit avoir le dos large celui-là. La vérité est que le général ne pouvait rien faire pour empêcher ces recrutements », souligne le capitaine, avant de donner d'autres détails. « Je vous disais donc que ces 20 000 soldats qui ont pourtant été libérés après un message de l’Etat major, il y a un ou deux mois de cela, sont toujours là dans les camps, les corridors et les frontières du pays. Aujourd’hui, ils réclament leur intégration à part entière au sein des Frci. Mieux, ils veulent réclamer eux aussi des arriérés de solde. C’est ça le second problème. Je crois que nous ne sommes pas sortis de l’auberge », confie, avec un pincement au cœur, l’officier des Frci. A l’en croire, si l’on n’y prend garde, ces éléments pourront perturber, tôt où tard, l’ordre public.
« Des mains obscures »
Notre interlocuteur a dit redouter que certaines personnes fassent de la récupération. « Vous savez, il y a toujours des mains obscures qui n’attendent que ça. Nous, militaires de rang, savons que ces personnes de mauvaises intentions, ne pourront jamais atteindre leur objectif. Nous ferons barrage à leur manigance et autre projet lugubre mais il faut que les gouvernants prennent leurs responsabilités pour mettre fin à tout ce désordre auquel nous assistons aujourd’hui », conseille t-il.
En service à l’une des frontières ivoiriennes, Coulibaly M. porte le treillis depuis 2010. Il avoue n’avoir ni numéro matricule ni numéro mécano. Son salaire, il le fixe lui-même et se fait payer à son poste de commandement. Dans un français approximatif, il nous explique son quotidien. « Depuis 2010, je suis militaire, mais je n’ai ni numéro matricule ni numéro mécano. Après l’arrestation de Gbagbo, nous sommes venus à la frontière pour la sécurité. Mais je n’ai jamais été payé dans une banque. Nous nous débrouillons à la frontière avec notre chef. Ce que nous gagnons, nous le partageons à la fin de la semaine. C’est ça notre salaire. On souhaite être embauché comme nos camarades qui ont été recrutés après l’accord politique de Ouagadougou. Nous sommes nombreux et on a tous pris part à l’offensive pour chasser Laurent Gbagbo du pouvoir. Il avait perdu les élections et ne voulait pas céder le pouvoir, ce n’est pas une bonne chose. C’est lui qui est à la base de tous ces problèmes. Si Laurent Gbagbo avait quitté le pouvoir après sa défaite, nous ne serions pas là aujourd’hui. Je vous apprends qu’il y a eu une première démobilisation. Mais de son fait, nous avons été rappelés (…). Je suis de cœur avec le président de la République et je souhaite qu’il trouve solution à tous ces petits problèmes pour éviter que notre groupe se soulève pour revendiquer », soutient le soldat Coulibaly M.
Une autre source fiable, introduite au sein de l’état major des Frci à Abidjan, nous a indiqué que les têtes du chef d’État-major général et du ministre auprès du président de la République chargé de la défense sont toujours réclamées par les jeunes militaires. Cette source d'indiquer que c'est l'une des raisons pour lesquelles, « les 20 000 jeunes soldats veulent se faire entendre ». « Ils pensent que ce sont ces deux personnalités qui sont à la base de leur problème, ce qui n’est pas exact » conclu notre interlocuteur au téléphone.
Ladji Abou SANOGO (Correspondant régional)
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Ladji Abou Sanogo
Journaliste Correspondant
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